đŸ˜±Traduction, trahison, le parallĂšle n’est pas nouveau. Quid de la trahison dans la traduction fĂ©ministe ? Voici 4 illustrations

 

❓1 La Malinche trahit-elle son peuple ?

La Malinche est une esclave nahuatl offerte par Moctezuma, empereur maya, Ă  un proche d’Hernan Cortes. C’est Cortes qui en fera son amante et son interprĂšte. PersonnalitĂ© trĂšs controversĂ©e dans la mĂ©moire mexicaine, a-t-elle trahi ? Et qui ? Les Nahuatl, son peuple d’origine ? Les Mayas qui l’offrent comme esclave ? Cortes ou la couronne espagnole ? Pour les unes, elle incarne la mĂšre du Mexique moderne qui a su prĂ©server sa culture d’origine malgrĂ© les viols, pour d’autres, La Malinche est une traĂźtresse vendue Ă  l’envahisseur. L’interprĂ©tation est bien un acte politique en soi.

 

💡2 Sexualisation de la traduction

Historiquement, la relation entre autaire et traductaire est souvent sexualisée.

DROITS DE PATERNITÉ VS TRANSFERT LINGUISTIQUE BÂTARD !

Alors que nous pourrions trĂšs bien considĂ©rer qu’à l’inverse la production est maternelle et le transfert linguistique l’aprĂšs, l’intervention paternelle.

« BECAUSE THEY ARE NECESSARILY “DEFECTIVE”, ALL TRANSLATION ARE “REPUTED FEMALES.” IN THIS NEAT EQUATION, JOHN FLORIO (1603) SUMMARIZES A HERITAGE OF DOUBLE INFERIORITY. »

John Florio est le traducteur de Montaigne. Aucun commentaire n’ajouterait grand-chose Ă  cette citation sexiste. Et non, ça n’est pas qu’une question d’époque !

 

🌍3 fĂ©ministes US vs fĂ©ministes Fr

Dans les années 70, les féministes états-uniennes reprochent à leurs homologues françaises de se perdre en éléments de langage.

« IS PHALLOGOCENTRIC THE TRANSLATION OF MALE CHAUVINIST PIG? » Elaine MARKS, 1978

Transporter le fĂ©minisme français outre-Atlantique au milieu des annĂ©es 70 n’a pas Ă©tĂ© une mince affaire. Par leur ton moqueur, les fĂ©ministes Ă©tats-uniennes considĂšrent-elles comme une trahison les Ă©lĂ©ments de langage de leurs homologues françaises ?

 

đŸ–‹ïž4 Ne pas agir = trahir

J’ai traduit mi-octobre un magazine interne pour un groupe du secteur de la santĂ©, rien de technique, juste des infos sur les Ă©vĂšnements dans les filiales du groupe. À un moment, la lĂ©gende d’une photo Ă©tait :

« Jean DUPONT, directeur de la filiale, Louise DUVAL et Albert DURAND, responsable Qualité. »

Pas de difficulté de traduction, ici.

Pas besoin d’épicĂšne, ici.

En revanche, que la fonction de la femme du trio n’apparaisse pas m’a gĂȘnĂ©e. Donc, j’ai demandĂ© la fonction de Louise Duval, je l’ai insĂ©rĂ©e et c’est parti.

La trahison, parfois, c’est de ne rien faire !

 

Par quels processus, la traduction fait-elle perdurer et active-t-elle la construction du genre ?

Repenser la traduction va nĂ©cessairement contrarier le vocabulaire traditionnel de la domination. S’effacer ne serait plus de mise, contrairement Ă  ce que prĂŽnait l’école française de traduction du XVIIe.

Quant Ă  la traduction fĂ©ministe, elle a Ă  voir avec l’autoritĂ©. Qui dĂ©cide si l’instant magique de l’équivalence est atteint ?

 

Références : « Cultural identity & the politics of transmission », Sherry SIMON

“InterprĂštes au pays du Castor », Jean DELISLE

POUR EN SAVOIR PLUS SUR ISABELLE MEURVILLE