NOMMER UN GROUPE DE PERSONNES AVEC UN TERME COLLECTIF FÉMININ

Contourner le masculin générique pour respecter l’ensemble des êtres humains demande un effort. Les habitudes sont longues à changer. Pourtant, puisque nos ancêtres en ont changé au XVIIe siècle, pourquoi ne pourrions-nous pas faire l’exercice à notre tour ?

La plupart des collectifs sont masculins, aussi donneront-ils encore longtemps l’impression de désigner plutôt des hommes que des groupes mixtes. Il existe toutefois une série de collectifs féminins d’usage courant, qui ne sèment pas la confusion et assument parfaitement leur fonction mixte. Je vous propose de nous pencher sur ces derniers. Très pratiques, ces mots nomment un ensemble de personnes (tiens, voilà le premier d’entre eux) sans préjuger de leur sexe.

Le plus général, nous venons de le croiser : personne. L’expression « Les personnes qui… » permet de contourner un substantif et un adjectif genrés. Étymologiquement, persona désigne le masque de théâtre, puis le personnage. Il a donc toute légitimité pour caractériser l’être social plutôt que l’être biologique. S’il est parfaitement adapté à de nombreux contextes de langue courante et spécifique, il ne convient malgré tout pas à toutes les situations. Ainsi, on n’écrirait pas « Les personnes doivent manger pour vivre ». Dans un registre proche, le mot gens remplace astucieusement d’autres termes grammaticalement genrés. Sans être un synonyme exact, les gens désigne indifféremment des hommes ou des femmes dans le langage commun. On peut lui reprocher d’être plus employé à l’oral qu’à l’écrit. Accompagné d’un charme désuet, le mot drôles apporte une touche humoristique sans le vouloir : « Les drôles ont accepté de tout boire. » Attention, au Québec, les drôles sont les enfants.

En bonne société, les deux mots relations et connaissances évitent le doublet ami·es dont le féminin finit par un « e » muet, ce qui le rend inaudible à haute voix. Au masculin on utilisera aussi les proches. Le domaine des liens entre les individus (collectif masculin) fait ressortir en creux celui unissant les créatures, les ouailles ou les âmes à leur Créateur. Ces mots à connotation religieuse trouvent également un emploi dans d’autres contextes. Si les ouailles demeurent majoritairement la propriété du curé, la presse et la littérature présentent tel ou tel village de 350 âmes sans que l’on y lise un aspect religieux. Quant aux créatures, le collectif est neutre tant qu’il reste non spécifié, mais dès qu’il désigne un homme ou une  en particulier, la connotation varie. Le terme reste connoté religieusement et positivement quand le mot est spécifié pour désigner un homme, alors que spécifié pour désigner une femme, la créature devient quasi diabolique. « Cet homme est la meilleure créature du monde » ; « La mauvaise créature que voilà ».

Plus détaché des individus et plus attaché au groupe, l’univers des entreprises compte quelques collectifs féminins : des équipes, une brigade, une escouade, une cellule (souvent de crise) et même une brochette de talents, qui constituent les meilleurs actifs des sociétés, entités, corporations, compagnies ou associations. Et pendant ce temps-là Internet apporte son lot de communautés sur la blogosphère.

Le contexte juridico-commercial connait l’existence des cautions, qui lorsqu’elles sont les dupes de bandes malfaisantes deviennent rapidement des victimes. Les copros (ou copropriétés) et autres indivisions forment des regroupements utiles de femmes et d’hommes. Finissons sur la terminologie militaire qui nous offre une armée de recrues passées dans la langue courante jusque dans les spectacles de téléréalité, qui les transforment parfois en vedettes pour le plus grand plaisir de la foule.

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